
Comme je l’avais évoqué dans mon précédent article consacré à la prostate, je souhaite maintenant aborder la santé de notre système urinaire. Celui-ci peut être fragilisé aussi bien par notre hygiène de vie et notre alimentation que par certaines émotions. Selon l’Ayurvéda, préserver son bon fonctionnement est essentiel : il assure non seulement confort et bien-être au quotidien, mais soutient également notre vitalité en profondeur.
À travers mes articles, mon objectif est de rendre l’Ayurvéda plus compréhensible et accessible, afin de partager la richesse de cette médecine ancestrale et sa profonde connaissance du vivant. Ce nouvel article me donne l’occasion de présenter une notion fondamentale en Ayurvéda : la distinction entre fonction et système, une clé essentielle pour établir une stratégie thérapeutique adaptée.
En prenant l’exemple du système urinaire, on observe ainsi que les déséquilibres peuvent être de deux natures :
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Fonctionnelle : le corps perd sa capacité à gérer correctement la fonction de miction.
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Lié au système : les tissus (vessie, urètre, plancher pelvien, prostate) peuvent être altérés. Cela se traduit par différentes situations :
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une vessie ou un urètre asséchés ou enflammés, provoquant des douleurs à la miction. Une fragilisation de la muqueuse interne de la vessie crée également un terrain favorable aux cystites répétées.
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un manque de tonicité des tissus, empêchant la bonne circulation de l’urine ou la vidange complète de la vessie,
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un relâchement du plancher pelvien (lié à l’âge, aux grossesses et accouchements, ou aux changements hormonaux la ménopause) pouvant entraîner différentes problématiques : incontinence, vidange incomplète.
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une hypertrophie de la prostate pouvant obstruer le passage de l’urine (cf. mon précédent article).
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Je ne traiterai pas ici des problématiques plus graves, comme le début d’une insuffisance rénale ou la formation de calculs. En tout cas, toute douleur à la miction accompagnée de fièvre ou de sang doit être prise très au sérieux et nécessite une consultation médicale rapide auprès de son médecin traitant.
Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’un inconfort ou une gêne persistante – ignorée pendant des semaines, des mois, voire davantage – peut transformer un trouble fonctionnel en atteinte des tissus, et inversement. L’Ayurvéda nous encourage donc à être attentifs dès les premiers signes, car c’est souvent à ce stade qu’il est le plus facile d’agir efficacement.
En Ayurvéda, nous chercherons toujours à comprendre la cause profonde du déséquilibre. Dans le cas du système urinaire, elles peuvent être très différentes et demander donc des stratégie thérapeutiques variées allant ;
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de la gestion du stress à un renforcement du plancher pelvien,
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de changements alimentaires et d’ajustements d’hygiène de vie,
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à l’utilisation de plantes qui rétablissent la fonction ou hydratent les tissus lorsqu’ils sont asséchés, ou bien viennent les raffermir lorsqu'ils manquent de tonicité.
> LE FONCTIONNEMENT DU SYSTEME URINAIRE SELON L'AYURVEDA
Les cinq Vayus et leur rôle dans le corps
Le système urinaire est régi par Apana Vayu qui gère l’élimination des déchets de notre corps. Les Vayus (vents) sont au nombre de cinq et représentent cinq intelligences qui régulent la circulation de l’énergie vitale, le Prana, dans notre organisme. Ils orchestrent tous les mouvements, qu’ils soient subtils – pensées, émotions – ou plus grossiers, comme l’évacuation des selles, de l’urine, du sang menstruel. Ils assurent ainsi le bon déroulement de tous les processus physiologiques et organiques.

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Prana Vayu agit au niveau de la tête et gouverne notamment l’inspiration et l’assimilation des impressions. Il contrôle l’esprit, le cœur et la conscience.
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Udana Vayu se situe dans la gorge et régit l’expiration ainsi que l’expression de la parole.
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Samana Vayu agit dans le tractus digestif, particulièrement au niveau de l’intestin grêle. Il régit la digestion et l’assimilation des aliments.
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Vyana Vayu assure la diffusion du mouvement à partir du cœur vers tout le corps. Il est responsable de la circulation sanguine et des mouvements articulaires.
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Apana Vayu régit toutes les fonctions d’élimination. Il soutient et contrôle l’ensemble des autres Vayus et, selon l’Ayurvéda, son bon fonctionnement est la base même de la santé.
Apana Vayu et son intégrité fonctionnelle avec Prana vayu
Le fonctionnement de la vessie est directement lié à Apana Vayu, très actif pendant la journée et naturellement au repos la nuit. C’est la raison pour laquelle, en temps normal, nous ne ressentons pas le besoin d’uriner la nuit. On peut dire qu’Apana se « verrouille » le soir et se « déverrouille » au réveil. Lorsque ce système autonome fonctionne correctement, la miction s’effectue entre 6 et 8 fois par jour.
Sur un plan plus subtil et énergétique :
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lorsqu’Apana Vayu est trop verrouillé (blocages urinaires, constipation), il empêche l’évacuation des énergies usées et crée une sensation de lourdeur,
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lorsqu’il est trop ouvert (mictions trop fréquentes, diarrhées), il entraîne une fuite excessive du Prana et crée une sensation d’épuisement.
Il est essentiel de souligner l’intégrité fonctionnelle entre Apana Vayu et Prana Vayu. Ces deux souffles fonctionnent comme deux pôles reliés : Prana apporte l’énergie vitale d’en haut, tandis qu’Apana stabilise et élimine par le bas. Leur équilibre mutuel est indispensable au maintien de la vie et de l’harmonie du corps.
Toute perturbation importante de Prana Vayu (peur, tristesse, stress, traumatismes) peut donc se répercuter sur le fonctionnement d’Apana Vayu et influencer la miction, en particulier chez les personnes sensibles au niveau de cette sphère.
Cette intégrité fonctionnelle, certaines femmes la ressentent dans l'autre sens chaque mois. Le déséquilibre d'Apana vayu quelques jours avant les règles provoque un changement d'humeur, une hypersensibilité émotionnelle qui se régulent normalement quand en début de règle.

La fonction de l’urine
Elle sert à éliminer l’excès d’eau du corps et les déchets solides en solution. L’urine évacue également les acides hors du sang et aide donc à purifier le sang.
La vessie
La vessie est un réservoir musculaire appelé détrusor, constituée de fibres musculaires lisses, élastiques, permettant à la vessie de se remplir et de se contracter. Une muqueuse protectrice tapisse l’intérieur.
Le col vésical dans sa partie inférieure se prolonge par l’urètre et est régulé par des sphincters.
Stockage : la vessie se distend, et normalement, la sensation de besoin d’uriner apparaît entre 250 et 350 ml. Sa capacité moyenne est d’environ 400 à 600 ml chez l’adulte.
Elle est placée devant et un peu dessous l'utérus (en rose sur le schéma) chez la femme. Elle est soutenue par le bas par le plancher pelvien qui maintient sa bonne position dans le bassin et elle est protégée par l'os du pubis.
> LES DEREGLEMENTS FONCTIONNELS D'APANA VAYU : LES MICTIONS INTEMPESTIVES, TROP FREQUENTES OU BLOQUEES
Dans le cas d’un dérèglement d’Apana Vayu, il y a le plus souvent par des envies pressantes et intempestives d’uriner, même si la vessie n’est pas remplie. Dans un stade avancé du dérèglement, l'envie d'uriner devient impérieuse et incontrôlable en dehors de tout effort provoquant des fuites urinaires. Dans près de la moitié des problèmes d'incontinence, il y a à la fois un dérèglement fonctionnel d'Apana Vayu et une faiblesse des tissus (sphincter vésical et périnée). De manière plus rare, le système urinaire peut aussi se bloquer, empêchant la vidange de la vessie. Voici quelques causes selon l'Ayuvéda.
> L'excès du dosha Vata
Vata, est considéré comme le « chef d’orchestre » des cinq Vayus. Le dosha peut se déséquilibrer de multiples manières et perturber le fonctionnement d’Apana vayu. Le dosha Vata est rapide, mobile, léger. Quand ces qualités s’expriment en excès dans notre métabolisme, elles peuvent accélérer les fonctions d’élimination.
- Anxiété, peur et stress : ils augmentent facilement Vata et peuvent fragiliser le système urinaire chez certaines personnes. Cela peut se manifester par une envie soudaine d’uriner avant un rendez-vous stressant. Chez d’autres, une anxiété chronique dérègle plus durablement Apana Vayu. Comme le dosha Vata est de nature changeante, les dysfonctionnements peuvent apparaître puis disparaître sans cause à priori apparente. Ils peuvent aussi bloquer le bon fonctionnement de la miction.
- Vie moderne : le rythme effréné de la vie moderne, le temps excessif passé devant les écrans (travail ou loisirs) accentuent Vata.
- Un excès de certaines boissons qui ont les mêmes qualité que Vata
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- café et alcool,
- boissons gazeuses.
> L'excès du dosha Kapha
Dans la Caraka Samhitā, le manque d'exercice physique, la consommation excessive de nourriture sont des facteurs à l'origine de certains troubles urinaires et d'une maladie plus grave qu'est le diabète de type 2.
Sans entrer dans plus de détail, un changement notable de l'aspect de nos urines qui dure dans le temps nécessite d'aller consulter son médecin traitant.
> La mauvaise utilisation du système urinaire
La vessie a un fonctionnement autonome : c’est le corps qui envoie le signal de miction. L'Ayurvéda recommande d'uriner naturellement, sans effort, dans une position confortable. Or, beaucoup de nos habitudes modernes perturbent ce mécanisme.
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Se retenir d'uriner : par notre éducation, les contraintes scolaires ou professionnelles, le manque de toilettes disponibles, ou encore de plus en plus souvent par une déconnexion aux besoins de notre corps (travail intellectuel, écrans, multiples sollicitations de la communication moderne).
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Normalement, la vessie envoie quatre stimuli: le premier (idéal pour uriner), le deuxième (plus pressant), le troisième (difficile à ignorer) et enfin le dernier (où se retenir devient impossible). Avec le temps, ignorer les premiers signaux perturbe le fonctionnement automatique de la vessie et peut altérer aussi la vessie. Le dérèglement profond de ce système est la cause des incontinences d'urgence.
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Les mictions de précaution : souvent observées chez les femmes, qui anticipent la difficulté de trouver des toilettes dans l’espace public. Aller systématiquement aux toilettes « au cas où », sans envie réelle, dérègle aussi Apana Vayu et le réflexe naturel de la vessie.
- Les mictions trop rapides et incomplètes : certaines personnes, du fait d'un Vata en excès, ne donnent même plus le temps nécessaire au corps de procéder naturellement à l'élimination des urines : elles poussent pour aller plus vite, s'arrêtent avant la vidange complète. Cela va dérégler sur la durée Apana Vayu et peut mener à des troubles urinaires, voire reproducteurs.
> L'excès de boisson
La quantité d’eau nécessaire à chacun dépend de sa constitution ayurvédique (prakriti), du climat, de l’alimentation et de l’activité physique allant d'un litre à deux litres et demi. Si une consommation insuffisante d'eau peut entraîner des problèmes urinaires comme des cystites, un excès de boisson peut aussi fatiguer inutilement le système rénale et urinaire et le dérégler.
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Kapha : leur organisme retient naturellement l’eau. Ils devraient boire uniquement lorsqu’ils ont soif. Or, certaines femmes de constitution Kapha, souvent avec un léger surpoids, consomment de grandes quantités d’eau, influencées par les publicités vantant les vertus amaigrissantes de certaines eaux. Cet excès contribue paradoxalement à la rétention d’eau.
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Vata : de constitution mince, avec une peau souvent sèche, ils ont besoin d’une hydratation plus importante.
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Pitta : besoins intermédiaires, sauf en cas de forte chaleur ou d'activités sportives intenses où leurs besoins augmentent du fait de la plus transpiration chez ces constitutions.
> Les modifications hormonales
La période de la grossesse et de la périménopause sont des périodes où les modifications hormonales peuvent déséquilibrer Apana vayu. A la péri ménopause, la baisse des oestrogènes va de plus diminuer la lubrification de la vessie expliquant l'apparition d'infections urinaires ponctuelles ou récidivantes comme nous le verrons plus loin.
> REEQUILIBRER APANA VAYU
En Ayurvéda, on cherchera toujours la cause profonde du dérèglement du sous-dosha, en l'occurence Apana Vayu. Si on traite avec des plantes seulement l'aspect symptomatique, il y aura certainement une légère amélioration mais qui ne sera pas durable dans le temps.
La stratégie sera donc de travailler sur la ou les causes. Ceci pouvant aller de modifications dans l'hygiène de vie, dans le choix des boissons jusqu'à la recommandation de pratiques comme le yoga, la méditation pour apaiser le stress psychologique.
> Quelques plantes européennes intéressantes
La Valériane (Valeriana officinalis) est une plante très utile pour corriger les déséquilibres Vata chez des personnes de constitution Vata ou Kapha. Elle a une affinité avec le système nerveux, mais également avec Apana Vayu : elle aide ainsi à pacifier Vata et à calmer des mictions trop fréquentes chez une personne anxieuse, grâce à l’apaisement de Prana Vayu.
Pour renforcer son action, on l’associe souvent à d’autres plantes, selon les besoins :
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une plante astringente comme l'Ortie (Urtica dioica) ou le Framboisier (Rubus idaeus) afin de tonifier la vessie chez une femme ménopausée ;
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une plante adoucissante comme la Guimauve (Althaea officinalis) ou la Réglisse (Glycyrrhiza glabra) si une sécheresse des tissus est présente ;
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ou encore l'association d'une plante astringente et adoucissante pour un effet équilibré.
Lorsque les troubles urinaires sont liés à un déséquilibre hormonal, on se tourne vers des plantes agissant sur la cause profonde.
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Avant la ménopause, l’Angélique (Angelica archangelica) pourra être intéressante pour certaines femmes suivant leur Prakriti.
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Durant la péri-ménopause, on privilégiera l’Igname sauvage (Yam) ou le Gattilier (Vitex agnus castus), en fonction de la Prakriti de la femme.
Les plantes ont pour objectif de soutenir Apana Vayu afin qu’il retrouve son équilibre et toute son intelligence. En Ayurveda, le choix des plantes dépend toujours de la Prakriti (constitution) de la personne. Certaines plantes particulièrement efficaces pour pacifier Vata et Apana Vayu sont de nature chauffante : elles conviennent donc parfaitement aux femmes de constitution Vata ou Kapha, mais sont généralement déconseillées, prises seules, chez les femmes de constitution Pitta ou les doubles constitutions Pitta/Kapha ou Pitta/Vata en excès de Pitta.
D'autres plantes froides et astringentes seront à utiliser en association pour ne pas augmenter Vata chez des constitutions Vata.
C’est pourquoi l’accompagnement par un praticien ayurvédique est fortement recommandé.
> LES DESEQUILIBRES AU NIVEAU DES SYSTEMES : CYSTITES, INCONTINENCE

Du point de vue de l'Ayurvéda, les tissus ou organes du corps peuvent être affectés par le déséquilibre des doshas. Sur le système qui nous intéresse, voyons ce que cela peut signifier.
> Conséquences des excès des doshas sur le système urinaire
- Vata est de nature sèche, dure, froide. Un excès de Vata au niveau d'un organe, d'un tissu va avoir une tendance à l'assécher perdant alors son élasticité. Dans le cas de l'urètre cela va donc restreindre le passage de l'urine. Cette obstruction urinaire peut provoquer des douleurs, des spasmes à la miction. Au niveau de la vessie, l'assèchement de la muqueuse interne la rendra plus fragile. Au niveau du périnée, cet assèchement peut faire aussi diminuer l'élasticité du plancher pelvien, du sphincter vésical et provoquer des fuites urinaires à l'effort ou lors de toux.
- Pitta est de nature chaude, pénétrante, acide, inflammatoire. Un excès de Pitta au niveau de la vessie va créer des inflammations avec des brûlures mictionnelles, des infections urinaires récidivantes (cystite, urétrite), des sensations de chaleur dans le bas-ventre.
- Kapha est de nature lourde, lente, dense, collante. Un excès de Kapha peut ralentir l'écoulement de l'urine. Cette stagnation de l'urine peut aussi favoriser des infections chroniques. L'excès de Kapha favorise le développement des tumeurs au niveau de la vessie et des polypes au niveau de l'urètre. La vessie et l'urètre peuvent aussi manquer de tonicité pouvant entraîner des fuites urinaires ou une stagnation de l'urine. Le surpoids peut aussi entrainer un affaiblissement du plancher pelvien et de tonicité.
> Les infections urinaires

Si elles sont plus fréquentes chez les constitutions Pitta, car de même nature (chaude), les déséquilibres des doshas Vata et Kapha peuvent également être à l’origine de cystites chroniques.
Sur le plan moderne, la cystite est une infection urinaire le plus souvent causée (dans environ 90 % des cas) par la bactérie Escherichia coli, naturellement présente dans le tube digestif (côlon, rectum). Celle-ci peut pénétrer dans l’urètre au niveau du périnée, remonter jusqu’à la vessie, et s’y multiplier.
La faible longueur de l’urètre chez la femme explique que la cystite soit plus fréquente chez elle. Ainsi, une femme sur deux présentera au cours de sa vie un ou plusieurs épisodes de cystite aiguë. Deux pics de fréquence sont observés : au début de l’activité sexuelle et après la ménopause.
Chez certaines femmes, les cystites peuvent devenir chroniques, avec plusieurs épisodes par an, et ce malgré une bonne hygiène intime ainsi que l’application des recommandations habituelles, comme uriner avant et après un rapport sexuel.
Dans ce contexte, l’approche ayurvédique présente un réel intérêt, car son objectif est d’identifier la cause profonde de l’affaiblissement de la barrière protectrice de la vessie. En effet, l’utilisation d’antibiotiques à chaque infection peut perturber la flore intestinale et/ou vaginale, et favoriser l’émergence de souches d’Escherichia coli résistantes.
Il est toutefois essentiel de rappeler qu’une infection urinaire accompagnée de fièvre ou de sang dans les urines doit être prise très au sérieux. Ces signes peuvent indiquer une atteinte des voies urinaires hautes (uretères, reins), nécessitant une prise en charge médicale rapide.
Voyons comment chacun des doshas en excès peut fragiliser la vessie et faire de celle-ci un terrain propice aux infections.
- Vata va assécher la muqueuse urinaire et donc diminuer sa capacité protectrice. La muqueuse de la vessie joue un rôle de barrière protectrice contre les bactéries. Quand elle est asséchée, fragilisée, parfois même légèrement fissurée, elle devient plus vulnérable aux agressions extérieures (comme E. coli). Cela favorise l’inflammation chronique et les infections récidivantes, car la muqueuse n’arrive plus à assurer son rôle de « bouclier humide ». Comme vu précédemment l'excès de Vata peut aussi perturber le bon fonctionnement d'Apana vayu et donc d'une bonne élimination de l'urine lors de la miction, facteur aussi propice au développement des bactéries.
- Pitta par la chaleur va à la fois inflammer la muqueuse urinaire et assécher le système urinaire. Cette inflammation rend la paroi de la vessie plus sensible, irritée et donc plus vulnérable, car les bactéries peuvent alors plus facilement s’y fixer et se multiplier. De plus, Pitta en excès brûle littéralement les défenses tissulaires locales, affaiblissant la capacité naturelle de la vessie à se protéger. Ce type de cystite se manifeste souvent sous une forme plus douloureuse et brûlante, parfois accompagnée de traces de sang dans les urines.
- Kapha par sa nature congestive va provoquer une stagnation des urines. La muqueuse va être au contraire congestionnée, épaissie et alourdie. Cette humidité favorise la prolifération bactérienne.
- Les problèmes d'incontinence, de prolapsus ne permettant pas la vidange complète de la vessie sont des facteurs favorisant les infections urinaire.
Attention aux bouilottes sur le ventre !
Leur utilisation sur le ventre n'est pas recommandée en Ayurvéda. Certaines femmes, et notamment de nature Vata, peuvent par frilosité ou pour soulager des règles douloureuses, utiliser très régulièrement une bouillotte. Cette chaleur va les soulager sur le moment mais va assécher le système urinaire. A utiliser plutôt au niveau du dos et avec un application d'huile de sésame pour ne pas assécher la vessie, l'utérus et les reins.
> L'approche ayurvédique dans le cas des infections urinaires
- Une approche symptomatique possible avec la Coriandre (Coriandrum sativum)*

Si l’infection est ressentie dès le tout début — c’est-à-dire par une légère tension au niveau de la vessie ou les premières sensations d’inconfort lors de la miction, avant que les douleurs ne deviennent importantes — l’Ayurvéda recommande l’utilisation de la coriandre.
Cette plante possède une affinité particulière avec le système urinaire. C’est un antiseptique doux, efficace dans de nombreux troubles urinaires. Son énergie (virya) rafraîchissante la rend particulièrement adaptée en cas d’infections urinaires. Elle favorise en outre la production d’urine grâce à son action diurétique. On peut ainsi prendre, trois à quatre fois dans la journée, 1/2 cuillère à café rase de coriandre moulue, mélangée dans 25 cl d’eau tiède, éventuellement avec un peu de sucre complet.
Si la douleur s’installe, il est toutefois nécessaire de consulter son médecin ou de s’adresser à son pharmacien, qui peut désormais réaliser un test urinaire. En cas de test positif, le pharmacien pourra, le cas échéant, délivrer sans ordonnance l’antibiotique adapté.
* Plusieurs revues récentes (revues systématiques/narratives) sur Coriandrum sativum notent des propriétés anti-microbiennes, anti-biofilm, anti-inflammatoires et diurétiques. Ce sont des études in vitro. Cela soutient l’usage traditionnel en contexte indien.
- Une approche systémique pour rééquilibrer la vessie et l'urètre
En fonction du dosha causal, le praticien ayurvédique pourra proposer des recommandations très différentes, voire opposées. Par le rééquilibrage du dosha, l’objectif est de restaurer une muqueuse vésicale et urétrale suffisamment forte et résistante face aux bactéries. Le praticien veillera également à harmoniser Apana Vayu (responsable de l’élimination) et Prana Vayu (responsable de la vitalité et de la régulation nerveuse).
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Pour Vata : l’objectif principal sera la réhydratation et la nutrition des tissus. Les recommandations incluront une alimentation plus onctueuse, huileuse et hydratante, ainsi qu’une diminution du café et des boissons gazeuses, au profit d’eau pure et de tisanes douces. Des plantes aux propriétés hydratantes et adoucissantes pour la vessie, comme celles évoquées précédemment, seront privilégiées.
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Pour Pitta : on cherchera à apaiser la chaleur et l’inflammation. Une alimentation douce, peu épicée, modérément salée et tendant vers le végétarisme sera recommandée. Il sera également conseillé de limiter les activités physiques trop intenses ou compétitives, et de les équilibrer par des pratiques plus calmes et rafraîchissantes. Les personnalités de constitution Pitta ayant tendance à la surchauffe (excès de compétition, pression ou exigence), il sera essentiel de favoriser un mode de vie apaisant. Des plantes rafraîchissantes comme la coriandre, ainsi que les plantes hydratantes, seront indiquées.
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Pour Kapha : l’objectif sera de réduire l’excès d’humidité et la stagnation dans la vessie. On privilégiera une alimentation légère, plus sèche et épicée, combinée à la pratique régulière d’exercice physique. Les plantes astringentes, capables d’assécher et de tonifier la muqueuse vésicale, seront particulièrement utiles.
> L'approche ayurvédique dans le cas des incontinences
- Les incontinences sont classées en deux types en médecine moderne
- Fonctionnelle pure dite par "urgenterie" comme évoqué précédemment et qui représente environ 10% des incontinences selon l'assurance maladie. Dans l'incontinence urinaire par hyperactivité de la vessie ou incontinence urinaire par « urgenterie », la fuite involontaire survient lors d'un besoin impérieux et incontrôlable d'uriner en dehors de tout effort. La vessie ne donne plus les premiers stimuli normaux de l'envie d'uriner et passe directement au dernier dite d'urgence.
- A l'effort du à l'affaiblissement des tissus et des muscles du périnée et/ou une faiblesse du sphincter urinaire et représente environ 40% des incontinences. Il n'y a pas eu d'envie d'uriner, la fuite involontaire survient à l'occasion d'une activité physique, marche, course à pied, lors d'un changement de position, le soulèvement d'une charge ou d'une toux, d'un éternuement, d'un rire.
Pour 50% des personnes touchées par l'incontinence, les fuites urinaires surviennent à l'effort mais aussi de manière incontrôlée. C'est-à-dire que c'est à la fois la fonction (Apana Vayu) et les tissus et organes (vessie, urètre, sphinter, périnée) qui sont affaiblies et défaillants. En France, on estime que les fuites urinaires concernent environ une femme sur trois de plus de 70 ans et de 7 à 8 % des hommes de 65 ans. Dans l’Hexagone, le marché des produits d’incontinence commercialisés en grandes surfaces a atteint les 358 millions d’euros en 2024.
- L'approche ayurvédique pour l'incontinence de manière générale
Pour l'Ayurvéda, on ira donc de nouveau chercher le dosha causal et les causes du déséquilibre du dosha et si la cause est plus fonctionnelle ou plus au niveau des tissus. Les recommandations ayurvédiques comme évoquées tout au long de cet article sera donc variées et différentes d'une personne à l'autre. Dans une majorité des cas, il y a aura probablement des plantes visant tonifier le système urinaire et un travail pour tonifier le sphincter vésicale et le périnée à faire avec un professionnel de santé (sage-femme, kinésithérapeute) ou par un enseignant de yoga formé sur le sujet.
- Le renforcement du périnée par le yoga

Le yoga propose plusieurs techniques et postures pour renfoncer le périnée et surtout pour réinvestir la conscience de cette zone de notre corps. Le Mūlabandha, souvent appelé le “verrou racine”, consiste à contracter et à maintenir une activation douce et consciente des muscles du périnée (F). Mulha bandha engage notamment le muscle entre le coccys et le pubis (B), le pubo-rectal. Quand on le contracte régulièrement et avec précision, il devient plus tonique. Cela améliore sa capacité à soutenir la vessie (A), l’utérus (chez la femme) et le rectum. Un plancher pelvien tonique peut mieux résister aux pressions venant de l’abdomen, ce qui limite le risque de fuites urinaires. Ce travail améliore aussi la coordination, Mūlabandha apprend à mieux sentir et contrôler cette zone souvent négligée. Cela permet d’activer les muscles au bon moment (par exemple quand on tousse, rit ou porte une charge).
A contrario, chez des femmes jeunes et très sportives, les fuites urinaires à l'effort ou lors de choc (course à pied) sont dus à un plancher pelvien trop contracté qui par manque de souplesse n'arrive pas à résister aux pressions. L'approche yogique autour du périnée visera à détendre le plancher pelvien par des respirations conscientes, des postures inversées visant à relaxer toute la sphère pelvienne.
Ce travail de renforcement ou de détente se fera par des cours individuels de yoga et quelques exercices quotidiens à la maison.