SOJA OR NOT SOJA ?

Le soja est-il indispensable à un régime alimentaire végétarien ou végétalien pour être équilibré en protéines ? Voici quelques éléments de réponse éclairés par la sagesse de l’Ayurvéda.

Suite à un avis de l'Anses, rendu mi-mars 2025, qui préconise de ne plus servir d’aliments à base de soja dans la restauration collective en raison des fortes concentrations d’isoflavones – substances végétales susceptibles d’influer sur le système hormonal humain, notamment sur les œstrogènes, aussi appelés « hormones féminines » –, l’une de mes clientes en Ayurvéda, consommatrice quotidienne de produits à base de soja, m’a interrogée sur le sujet.

 

C'était pour moi l’occasion de questionner la place des protéines dans notre alimentation, un véritable mythe en Occident, comme nous allons le voir. Je prendrai comme exemple mon régime alimentaire végétarien, à tendance basse en protéines. Tant par goût que par conviction, l’essentiel de mon alimentation se compose de légumes, de céréales complètes, de quelques œufs par semaine, d’un peu de fromage, de crème fraîche, de beurre et d’une petite quantité de légumineuses et de fruits à coque.

 

Alors, serais-je carencée en protéines depuis des années sans m’en apercevoir avec ce type de régime, pourtant recommandé par l’Ayurvéda pour ma constitution Pitta ?

 

Une fois que nous aurons plus clairement compris les recommandations en matière de protéines, je reviendrai sur les produits à base de soja, que j’ai eu l’occasion d’étudier lors de la rédaction de mon article sur la prévention du cancer du sein, afin d’évaluer leurs potentiels bienfaits ou risques.

  

> LE MYTHE DU MANQUE DE PROTEINES : PERTE MUSCULAIRE, CARENCE EN FER...

 

Pour le Vaidya Atreya Smith qui me forme en Suisse "si une personne suit un régime (végétarien) essentiellement à base d’aliments complets, il lui est impossible d’être en manque de protéines." Il rajoute que « les femmes sont particulièrement visées par cette poussée de fausse information car elles sont supposées voir leur masse osseuse diminuer au moment de la post-ménopause. On leur dit de consommer beaucoup d’aliments riches en calcium comme la viande et les produits laitiers. »

 

Pour l’Ayurvéda, si la viande et le poisson permettent à l’organisme de fabriquer rapidement des tissus, ces derniers sont toutefois de qualité inférieure sur le long terme. L’Ayurvéda considère également que tous les tissus animaux posent problème, car ils favorisent la création de toxines (Ama) en raison d’une digestion lente. En effet, il faut entre 36 et 60 heures pour qu’ils traversent le système digestif, ce qui entraîne de la putréfaction dans les intestins avant leur élimination.

 

Mon objectif n’est pas du tout de convertir qui que ce soit au végétarisme, mais plutôt de rassurer celles et ceux qui ont fait ce choix ou souhaitent diminuer de plus en plus leur consommation de viande et de poisson, que ce soit par conviction ou par goût.

 

> LES BESOINS EN PROTEINES POUR UNE FEMME AVEC UNE VIE SEDENTAIRE

 

D’après le Vidal*, les besoins en protéines d'une personne sédentaire sont d’environ 0,8 g par kilo de poids corporel et par jour. Selon le Journal américain de nutrition clinique, les besoins réels en protéines du corps humain ne représenteraient que 2,5 % de l’apport calorique total.

 

Si nous transposons ces deux informations aux trois constitutions ayurvédiques pour une femme de ma taille, nous arrivons à un besoin situé entre 40 g et 50 g de protéines par jour, comme l'indique le tableau ci-dessous.

 

En Ayurvéda, l’évaluation des besoins ne se base pas uniquement sur le poids de la personne, mais aussi sur sa constitution et son feu digestif (Agni). Ainsi, les constitutions Pitta, qui possèdent un Agni plus fort, ont tendance à avoir besoin de manger plus que les deux autres constitutions. À l’inverse, les constitutions Kapha pures, qui ont naturellement un métabolisme plus lent, une endurance accrue et des réserves énergétiques plus importantes, auront besoin de moins de calories pour un même effort physique.

 

* Vidal Source d’informations pour les professions médicales et le grand public agréé par la Haute Autorité de Santé (HAS).

Prakriti Femme

Poids moyen

Taille 1,70

Protéine en g

ratio 0,8 g 

Besoin en calorie

Femme sédentaire

Protéine en g 

2,5 % des calories

F Vata 50-55 44 g  1 800  45 g
F Pitta 60 48 g 2 000 50 g
F Kapha 65-70 (52 g) => 40 g** 1 600 40 g

 

> UNE ALIMENTATION VEGETARIENNE A BASSE CONSOMMATION DE PRODUITS ANIMAUX

 

Une fois ces calculs effectués, il me tardait de vérifier si mon apport journalier en protéines était cohérent, sachant que j’estime mon besoin, en tant que femme de 53 ans de Prakriti Pitta/Vata, à environ 45-48 g par jour. Agni (le feu digestif, l'appétit) diminue naturellement vers 50 ans au moment de la ménopause.

 

Mon alimentation est plutôt de type "bretonno-méditerranéenne", avec une base de céréales locales (blés anciens, épeautre et sarrasin), un peu de riz et, depuis quelques années, du quinoa. Je consomme également un peu de légumineuses, notamment des lentilles corail et des pois chiches sous forme d’houmous. Les produits laitiers, crème fraîche et fromage, me servent surtout à apporter de l’onctuosité aux légumes et du goût dans les gratins, tartes et galettes. Je n’ai jamais eu envie d’intégrer le soja dans mon alimentation.

 

Le tableau ci-dessous, qui représente mes repas des vendredi 28 et samedi 29 mars, montre que je suis pile dans l’objectif !  Les calculs en gramme de protéines pour 100g ont été faits à partir du site Ciqual de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). https://ciqual.anses.fr/

 

Lorsque l’on adopte une alimentation quasi végétalienne comme la mienne, le risque principal de carence ne concerne pas tant les protéines que l’apport en graisses. En effet, les viandes, poissons et laitages sont très riches en matières grasses. En devenant végétarien et surtout végétalien, une consommation insuffisante d’huiles et d’oléagineux peut en effet entraîner un déficit en lipides, pourtant essentiels au bon fonctionnement du foie, de la digestion dans son ensemble, du système nerveux et hormonal et des fonctions cérébrales. 

 

Femme P/V 53 ans

Journée 1

Protéine en g

 Journée 2

Protéine en g 

Petit-déjeuner

muesli céréales complètes (90 g)

5 noisettes

12 g

pain complet (100g)

1 gros oeuf à la coque

 9 g

5 g

Déjeuner

gressins (30g)/ houmous (30g)

 

tarte salé maison légumes

pâte farine complète (30g sec)

 fromage rapé (20g)

mâche

1 crêpe bio semi complète (80 g)

7 g

 

3 g

7 g

 

6 g

 

2 galettes sarrasin (100g)

 fromage rapé (20g)

divers légumes

mâche + huiles variées

 

 

12 g

7 g

 

 

 

 

Diner

soupe légumes avec

lentille corail (30g sec)

riz basmati semi-complet (50g sec)

 

 

8 g

3 g

 

pâtes de quinoa (80g)

légumes

gressins (10g)/houmous (10g)

 

11 g

 

2 g

 

Objectif 45/50g   46 g   

46 g

 

> LE SECOND MYTHE DU BESOIN D’UN APPORT CEREALE ET LEGUMINEUSE A CHAQUE REPAS OU CHAQUE JOUR

 

Une autre légende, datant de 1971 et popularisée par Frances Moore Lappé, auteure du bestseller Diet for a Small Planet, affirme qu’il serait nécessaire d’associer céréales et légumineuses à chaque repas ou chaque jour pour permettre à notre corps de synthétiser des protéines à partir des acides aminés essentiels apportés par l’alimentation.

 

S’il est vrai que les céréales sont limitées en lysine – elles en contiennent environ trois fois moins que les légumineuses –, il est faux de dire qu’elles en sont totalement dépourvues.  Le sarrasin,  le quinoa et l'avoine, ont un taux élevé de lysine, ce qui en font des sources de protéines de haute qualité avec respectivement 13 g, 14 g,  17g  de protéines pour 100 g de céréale crue. Ces trois céréales sont une excellente alternative aux protéines animales, encore plus lorsque ces dernières sont associés à des légumes verts, tomates...  En effet, la lysine est également présente en quantité appréciable dans les légumes à feuilles vertes, ainsi que dans les betteraves, poireaux, tomates, poivrons verts et rouges, et pommes de terre, bien que ces dernières en contiennent en moindre quantité.

 

À l’inverse, on dit souvent que les légumineuses sont limitées en méthionine, contrairement aux céréales, qui apportent cet acide aminé essentiel à la construction des protéines dans notre corps. Cependant, cette affirmation n’est pas tout à fait exacte : bien que les lentilles, pois chiches et haricots rouges en contiennent en moindre quantité, ils en apportent tout de même. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le sésame et les graines de tournesol sont riches en méthionine.  L’houmous, qui associe pois chiches et sésame, illustre bien l’intérêt des nombreuses recettes traditionnelles.

 

Cette croyance pousse certaines personnes à consommer des produits à base de soja à presque chaque repas lorsqu’elles cherchent à réduire leur consommation de produits animaux (viandes ou laitages), par crainte de manquer de protéines.  Pourtant, le tofu, par exemple, ne contient pas plus de protéines (14 g pour 100 g) que certaines céréales mentionnées précédemment.

 

 

Pour un végétalien, il est intéressant toutefois de s’inspirer des plats traditionnels qui associent naturellement une céréale, une légumineuse et des légumes (soupe paysanne, dal, couscous, minestrone…). Ces associations constituent une base précieuse à intégrer aussi souvent que possible, sans pour autant devenir une source de stress.

 

Quant aux végétariens, une alimentation variée comprenant des céréales complètes, des huiles (sésame, noix, tournesol...), des légumes verts, quelques œufs et produits laitiers, ainsi que des légumineuses consommées quelques fois par semaine, fournira tous les acides aminés essentiels nécessaires à la construction des protéines dont notre corps a besoin.

 

UNE ALIMENTATION FLEXI-VEGETARIENNE

 

Revenons à l’Ayurvéda, qui offre un éclairage précieux sur l’alimentation la plus adaptée aux différentes Prakriti. Comme nous l’avons vu, cette science de la vie privilégie une alimentation végétarienne, ce qui convient particulièrement aux personnes de constitution Pitta, Pitta/Kapha ou Pitta/Vata, qui possèdent naturellement une bonne structure osseuse et musculaire.

 

Pour les Kapha, au corps robuste, une alimentation végétalienne, avec une proportion plus élevée de légumineuses que de céréales, donc asséchante et une grande quantité de légumes verts, est idéale.

 

Pour les Prakriti Vata pures, dont la structure osseuse et musculaire est beaucoup plus fine, je recommande personnellement une alimentation mixte, à tendance végétarienne, afin de garantir un apport suffisant en protéines et en lipides. Ainsi, pour une personne de constitution Vata souhaitant réduire sa consommation de produits animaux et adopter une alimentation générant moins d'ama (toxines), je conseille généralement un déjeuner végétarien un jour sur deux ou deux jours sur trois et des dîners végétaliens, avec un apport suffisant en céréales complètes pour les repas végétariens.

 

Le tableau ci-dessous illustre qu’il est tout à fait possible d’atteindre la quantité de protéines nécessaire avec cette approche alimentaire, voire la dépasser facilement. D'où la fausse croyance de devoir rajouter des produits à base de soja, 

 

Il est important de noter que le soja comme toutes les légumineuses est astringent, asséchant. Pour les prakriti Vata, qui ont par nature un corps sec et souvent un colon pouvant s'assécher facilement, une consommation quotidienne de produits à base de soja, au delà de la question de leur teneur en isoflavones,  augmentera la sécheresse dans le corps et le colon  favorisant gaz, ballonements, constipation et à terme une mauvaise absorption des minéraux notamment. 

 

Il est important de noter que le soja, comme toutes les légumineuses, possède des propriétés astringentes et asséchantes. Pour les prakriti Vata, dont le corps est naturellement sec et sujet à la déshydratation, notamment au niveau du côlon, une consommation quotidienne de produits à base de soja peut accentuer cette sécheresse. Au-delà de la question de leur teneur en isoflavones, ces aliments peuvent favoriser les ballonnements, les gaz, la constipation et, à long terme, altérer l’absorption des minéraux.

 

 

Femme V avec

une activité sportive

 Journée 1 - Mixte 

Protéine

en g

 Journée 2 - Végétarienne

Protéine

en g 

Petit-déjeuner

muesli céréales complètes (60 g)

5 noisettes

8 g

 

pain complet (100g)

1 gros oeuf à la coque

 9 g

5 g

Déjeuner

poulet (80g)

légumes variés

1 crêpe bio (semi complete)(80g) ou

de temps en temps 1 yaourt de soja

  

24 g

 

7 g

  

 

tarte salé avec Tofu

pate farine complète (20g sec)

tofu (30 g)

fromage blanc (vache, brebis) 125g

 

 

2 g

4 g

9 g

 

Collation

biscuit complet (30g)

 

6 g

 

biscuit complet (30g)

8 amandes (10g)

3 g

3 g

Diner

soupe légumes avec

lentille corail (20g sec)

riz basmati semi-complet (30g sec)

 

 

6 g

1 g

 

pâtes de quinoa (80g)

légumes 

gressins (40g)

houmous (30g)

11 g

 

5 g

2 g

Objectif 45 g   52 g   

54 g

  

> ALIMENTS A BASE DE SOJA : UNE FAUSSE SOLUTION ?

 

Le développement des produits à base de soja en Europe et aux États-Unis s’est largement appuyé sur la crainte infondée d’un manque de protéines lors d’une réduction de la consommation de produits animaux. L’industrie agroalimentaire, qui crée ou surfe sur les tendances et alimente les peurs depuis des décennies pour mieux vendre ses produits, s’est naturellement engouffrée dans ce marché émergent, proposant une multitude de produits transformés, bien éloignés des méthodes traditionnelles de fermentation et de transformation du soja en Asie.

 

Or, nous avons vu qu’une alimentation de type méditerranéen, pauvre en protéines animales mais riche en céréales complètes, légumes frais, légumineuses avec des fruits à coque, de bonnes huiles et un peu de laitages suffit à couvrir les besoins en protéines de notre organisme.

 

> QUID DES PHYTO-ESTROGENES PRESENTS DANS LE SOJA ?

 

Je reprends exactement ce que j’avais déjà écrit dans mon article sur la Prévention du cancer du sein où je m’interrogeais sur les bénéfices ou les risques de la consommation de soja par rapport aux phyto-estrogènes . Je m’étais alors basée principalement sur la thèse d'un docteur en pharmacie.

Le soja et ses phyto-estrogènes : les impacts sur différentes phases de notre vie Diana Marie Farail - thèse Docteur en Pharmacie - Université de Bordeaux -2020

 

De nombreuses études ont été faites sur les phyto-oestrogènes du soja et le cancer du sein. Il semble compliqué d'y voir clair car beaucoup de ces études faites aux Etats-Unis l'ont été avec du lait de soja ou des produits à base de soja. Or pour les asiatiques, le soja n'était pas considéré comme comestible à cause de ses nombreux facteurs antinutritionnels. Ils ont alors développé des techniques de transformation alimentaire pour le rendre comestible avec principalement des fermentations (Miso, Natto, Tempeh) ou de trempage/cuisson (Tofu). Toutes ses techniques réduisent fortement la teneur des aliments en phyto-estrogènes (isoflavones). Cependant, nos processus occidentaux de préparations de lait de soja et autres produits dérivés comme les yaourts, le tofu, ou les protéines extrudées utilisées pour les steaks de soja, sont bien différents de cette technique traditionnelle asiatique. En conséquence, les produits peuvent contenir en grande quantité des isoflavones à activité estrogénique. 

  

A l'inverse des études ont été faites pour savoir si la consommation de soja pouvait protéger les femmes du cancer du sein. D'après une étude chinoise et une autre japonaise,  la protection se ferait surtout pour une consommation de soja à l'adolescence par rapport au risque de cancer du sein en pré-ménopause et non pas pour le cancer postménopausique. Les effets positifs des phyto-oestrogènes à faible dose seraient d'inhiber et de moduler les changements épigénétiques , pouvant prévenir l'expression et la production des protéines pro-oncongènes. C'est cette hypothèse pouvant expliquer la faible incidence de certains cancers dans la population asiatique qui en consomme en plus grande quantité que les caucasiens et depuis le plus jeune âge.

 

Les études menées sur l'humain pour évaluer les risques ou les bienfaits de la consommation d'isoflavones sur l'appareil reproducteur masculin et féminin, ne donnent pas des résultats très clairsToutefois, il est judicieux de s'inspirer des méthodes de transformation traditionnelles développées par les cultures asiatiques, qui permettent de rendre le soja plus digestible et adapté à la consommation, en ayant en tête aussi qu'une partie de la population européenne n'a pas les enzymes digestives adéquates pour sa parfaite digestion.

 

Conclusion sur les produits à base de soja : 

- ne semble pas avoir un effet protecteur pour les femmes occidentales le consommant à l'âge adulte,

- privilégier les préparations traditionnelles avec du soja biologique, limiter boisson et yaourt soja, soja extrudé,

- limiter à une ou deux fois par semaine et en quantité pour pouvoir bien le digérer sauf si l'on est d'origine asiatique,

- non recommandé depuis 2002 par la Haute Autorité de Santé pour les femmes ayant eu un cancer du sein.

 

*www.anses.fr/sites/default/files/VSR2022SA0221RA.pdf 

 

L'Ayurvéda vous intéresse. Je vous invite à en savoir plus sur le bilan ayurvédique.

 

Gwenaëlle

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Commentaires: 1
  • #1

    Claudine Brisset (dimanche, 06 avril 2025 15:31)

    Merci Gwenaëlle pour cet article très complet avec l’approche de l’ayurveda.
    Il m’a éclairé sur les croyances en terme d’apports en protéines.


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